mardi 26 avril 2022

CJUE 22 avril 2022 (renvoi préjudiciel): un Etat Membre de l'UE ne peut rétablir les contrôles aux frontières que pour 6 mois

Affaires jointes C-368/20 Landespolizeidirektion Steiermark et C-369/20 Bezirkshauptmannschaft Leibnitz


Un requérant, NW, a été contrôlé au point de passage transfrontalier de Spielfeld lorsqu’il entrait, en août et novembre 2019, en Autriche en provenance de Slovénie. NW s’est vu infligé une amende de 36 euros pour avoir refusé de présenter son passeport. 

Estimant que ces contrôles ainsi que l’amende étaient contraires au droit de l’Union et notamment au code frontières Schengen, NW s’est adressé au tribunal administratif régional de Styrie (Autriche). Le tribunal, qui s'interrogeait sur l'application du Code Schengen, a décidé avant de trancher de poser à la Cour de justice plusieurs questions préjudicielles.

La Cour de justice de l'Union Européenne vient rappeler que le Code aux frontières Schengen interdit, par principe, les contrôles aux frontières entre deux Etats Membres sur toute personne, quelle que soit sa nationalité.

Des exceptions issues uniquement de menace grave à l'ordre public, peuvent être introduites mais pour une durée maximale de six mois.

L’État membre peut appliquer de nouveau une telle mesure, même directement après la fin de la période de six mois, lorsqu’il est confronté à une nouvelle menace grave affectant son ordre public ou sa sécurité intérieure, qui est distincte de celle initialement identifiée, ce qui doit être apprécié par rapport aux circonstances et événements concrets. 

En l’occurrence, depuis le 10 novembre 2017, date d’échéance de la dernière des recommandations du Conseil, l’Autriche n’a pas démontré l’existence d’une nouvelle menace, de sorte que les deux mesures de contrôle dont NW a fait l’objet seraient incompatibles avec le code frontières Schengen.

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Cette décision vient souligner que les contrôles aux frontières entre Etats Membres de l'UE (faisant partie de l'espace Schengen), sont par principe interdits. Cela vaut, bien sûr, pour la France, qui ne peut pas contrôler, en principe, une personne quelle que soit sa nationalité aux frontières avec l'Italie, la Belgique, l'Allemagne, etc. Toutefois depuis 2015, après avoir déclaré l'état d'urgence, la France multiplie les contrôles aux frontières en invoquant le risque de trouble à l'ordre public. Toutefois, ce rétablissement des frontières, ne peut pas être indéfini, comme l'a précisé la CJUE. Il est strictement encadré par une limite de six mois, éventuellement renouvelable mais pour un motif différent. 

Il faut souligner que les praticiens du droit des étrangers ont pu constater que le rétablissement de ces contrôles a essentiellement servi à refouler des étrangers qui ne posent pas de menace à l'ordre public et qui fuient parfois des persécutions dans leur pays d'origine. Ces contrôles ont poussé les étrangers à prendre des chemins de plus en plus périlleux, notamment en traversant les Alpes, afin d'échapper aux contrôles policiers. Plusieurs ont perdu la vie.

La Cour vient rappeler que le principe est bien la liberté de circulation dans l'espace Schengen et sa restriction doit demeurer l'exception. La liberté de circulation des personnes est un pilier du droit de l'Union européenne. Le droit de l'UE, faut-il le rappeler, dont les débuts remontent à l'après guerre, est issu du constat que les nationalismes, encouragés par le repli des Etats sur eux-mêmes et la rigidité des frontières, ne mène qu'à la catastrophe. 

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Lire le communiqué de presse de la CJUE:

https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2022-04/cp220064fr.pdf

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